“La fiction, c’est la part de vérité qu’il existe en chaque mensonge"
Stephen King

Figurez-vous, ami.es lecteur.trice.s, deux anecdotes surprenantes.
La première concerne une personne qui a apprécié « Rien que du grand ciel », et m’informe que sa fille part quelques mois aux USA habiter Seal Beach CA, ville balnéaire proche de Los Angeles, dans l’Orange County, 24'000 habitants, altitude 3,96 mètres. Elle m’a envoyé la photo illustrant ce post.
Dans le livre, Jim possède une maison dans cette même localité.
« J’observe la villa de Jim, un domino de carrés blancs posés en équilibre sur la colline, flanqué d’arbres et de hampes de fleurs pourpres. Je pousse le portail. Une brume d’eau fraîche se répand sur le jardin. Je descends les marches menant à la piscine. De chaque pot en terre vernissée jaillissent des coquelicots blancs. » (Page 47).
La petite cité s’étend au bord de l’océan Pacifique, et offre une belle promenade sur le deuxième plus long ponton en bois de Californie.
« Je retrouve mon linge, ma peau se couvre d’ondulations blanches à mesure qu’elle sèche. Des familles parcourent les pontons, des surfeurs grimpent sur leur planche encore et encore. Les pêcheurs, jambes écartées, tirent fort sur leur ligne tendue. La fin d’après-midi s’étire dans le ciel hachuré de lumière. » (Page 24)
Fiction, réalité s’emmêlent, et comme souvent dans la vie, tout est vrai et tout est faux. J’ai choisi de situer une partie de l’action à Seal Beach parce que je l’avais traversée une fois, de retour de Flagstaff AZ, qu’elle m’avait parue dorée à souhait dans le couchant, et qu’une fois les chiffres vérifiés, elle convenait à mes personnages. Elle dégageait quelque chose de beau, de simple, elle se tenait proche de la mégapole, offrait une sécheresse assoiffée au bord de l’océan et des jardins de cactus en fleurs.

Deuxième anecdote. Elle concerne un lecteur amateur de précision. L’an prochain, c’est décidé, il fera le roadtrip de Tom, en suivant exactement les mêmes numéros de route. Il partira de Seal Beach pour aller vers l’est, et aboutira quelques jours ou quelques semaines plus tard selon l’humeur, à Six-Rivers CA.
Légère pression à l’idée d’avoir peut-être été trahie par Google maps, grâce auquel j’ai choisi l’itinéraire de Tom, le plus souvent possible hors des highways. Pas facile, les petites routes de l’ouest américain s’évanouissent souvent dans la poussière et le vent, cul-de-sac, retour sur ses propres traces.
« Je me décide à partir à l’est, puis crochet par le Nouveau-Mexique sur les traces de notre premier voyage. Je reviendrai à travers le haut de la carte, et attraperai SixRivers en traversant le Nevada. [...] Je décide de prendre la 74 jusqu’à Perris. Je vais traverser l’Arizona de part en part avant d’atteindre le Nouveau-Mexique. » (p. 60)
Vérifier les noms de lieux, comparer avec mes propres souvenirs, mes archives, mes envies, l’impression que cela m’avait fait de fuir droit devant, fuir quoi, rien, rouler dans un espace empli de lumière, pas une montagne pour borner la vue, un travail bien agréable, et pas une fois, mes amis, je n’avais pensé qu’un futur lecteur irait vérifier sur place.
« Il reste de la route jusqu’à Chino Valley. Je compte traverser l’État par le sud, vers Sheephole, en empruntant la 95, une bonne route qui longe des plaines sèches et blanches. Je ressens cette petite excitation du voyage. J’aime m’en aller, ne rien devoir à personne. Chaque soir dormir dans des lits inconnus comme un proscrit, au matin fuir droit devant. » (Page 76)
Lire, rouler, s’en aller vivre ailleurs. Tout cela : de la poésie.
(Merci Hélène, pour les photos)
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